Dixerunt discipuli

Au 15e siècle, la composition d’une messe à plusieurs voix (dite polyphonique) reposait fréquemment sur l’utilisation d’une mélodie préexistante structurant l’œuvre entière. Cette pratique, centrale dans la musique sacrée de la Renaissance, combinait rigueur technique et expressivité spirituelle. La mélodie préexistante (dite cantus firmus, chant fixe) était généralement empruntée au répertoire de plain-chant ou à des chansons. Placée à la voix de tenor (la voix qui tient la mélodie empruntée), elle servait de colonne vertébrale à la polyphonie, répétée et variée dans chaque section de l’ordinaire de la messe (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei).

Eloy d’Amerval emprunte les sept premières notes d’une antienne pour l’office de saint Martin, une figure majeure de la chrétienté en Val de Loire : Dixerunt discipuli (les disciples dirent).

Partition Dixerunt discipuli

Antienne Dixerunt discipuli, Bibliothèque municipale de Tours, ms. 159 (14e siècle), fol. 288v-289 © Bibliothèque municipale de Tours 

La singularité de la Missa Dixerunt discipuli réside dans le traitement qu’Eloy réserve à ces sept notes grâce au système de notation alors en usage. Elles sont citées seize fois dans des configurations rythmiques différentes.

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Pieter de Moor

Le compositeur échafaude une construction polyphonique à cinq voix. Les réitérations de la mélodie empruntée sont confiées au tenor. Les quatre autres voix sont conçues comme des lignes mélodiques ajoutées. La première est la voix la plus aiguë ; la deuxième est plus grave que le tenor ; la troisième légèrement plus aiguë tandis que la cinquième se situe dans le même registre que le tenor. Eloy dispose ainsi d’un ensemble de cinq voix qui l’invite à travailler sur le timbre, la couleur sonore globale tout en lui permettant de jouer sur les effets de texture en associant les voix par deux, par quatre ou par cinq.

C’est avant de devenir chanoine à Châteaudun qu’Eloy compose cette messe, sans doute au début des années 1470 si l’on se fie au témoignage de Tinctoris. L’œuvre n’est cependant conservée que dans un seul manuscrit du fonds de la Chapelle Sixtine : une sorte d’anthologie de ce qui se faisait alors de mieux en matière de musique sacrée. Eloy y côtoie des compositeurs aussi célèbres que Guillaume Du Fay, Johannes Okeghem (c. 1423-1497) et Antoine Busnoys (c. 1435-1492) qu’il avait pu croiser, le premier à Chambéry et les deux autres dans le val de Loire où ils avaient exercé leur talent.

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La messe Dixerunt discipuli d’Eloy d’Amerval dans le livre de chœur Cappella Sistina 14

La messe Dixerunt discipuli d’Eloy d’Amerval dans le livre de chœur Cappella Sistina 14, préservé dans la Biblioteca Apostolica Vaticana. Ce manuscrit, copié entre 1474 et 1475, est parmi les plus anciennes sources polyphoniques du fonds de la Chapelle Sixtine.

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